lundi 6 juin 2011

Une Cananéenne

Pour eux, je suis une terroriste, une criminelle, un mal qu’il faut coûte que coûte déraciner de cette terre dite « sainte ».
Pour vous je suis un martyre, un ange sur cette terre, un espoir de liberté, et une brise d’air de gloire, tant violée…
Moi, je suis Fatima, une palestinienne sans terre, orpheline, ni père ni mère. Je suis Fatima l’insoumise à cette vie cruelle qu’on m’a offerte. Je suis née de deux êtres qui se sont déchirés une de ces nuits dites d’amour, qui ne se sont plus revues et qui sont partis l’un après l’autre… Je suis née de l’obscurité dans l’obscurité et je m’y suis retournée, sans jamais passer par la voie illuminée de la liberté…
Je n’ai pas choisi mon nom. J’aurais voulu avoir « Hayèt » (Vie) comme appellation, mais la Vie ne m’est pas destinée…
Je suis tout simplement « Fatima » … 

Eux, ils me maudissent.
Vous ; vous avez fait de moi un mythe, une légende d’héroïsme.
Je ne suis pas une héroïne… Je suis Fatima, une palestinienne sans père, sans mère et sans terre… 


Il me manque…
Voici ce qui me blesse à présent ;  son absence et ces cent ans ou mille ans de solitude qui me restent…
Pour lui j’étais un amour, peut être interdit, mais j’étais ces moments de désir d’envie et de vie sur cette terre qui nous fuit…
à présent, je suis un souvenir , un sourire timide qui se dessine sur ses lèvres à la moindre pensée à ces temps d’amourette partagés, et une larme prisonnière qui n’a pas droit de couler sur cette terre, à la moindre pensée à mon échappée…
Ses regards m’ont caressée…
les leurs m’ont humiliée…
les vôtres me font pitié…
les miens se sont accrochés longtemps à la vie, mais je vous ai déjà dit :" je suis Fatima et la Vie ne m’est pas destinée".
Cette dernière soirée, dans cet espace de temps qui me reste à vivre, je l’ai égarée dans la fumé de sa cigarette ; je l’ai noyé dans un verre de vin, pour l’adoucir… j’avais besoin d’ivresse pour oublier mes vingt cinq ans passés dans cette forteresse… j’ai posé ma tête sur son épaule. Mes yeux balayaient cette chambre.
- Où suis-je ? Demandais-je.
-… Le silence préféra me répondre.
-Où suis-je ? Répétais-je.
Rien que le silence qui venait toujours me rappeler que je suis Fatima la palestinienne sans père sans mère, et sans terre…
Je levais souvent les yeux vers les cieux… là-bas où s’installe le Dieu… Fatima la palestinienne sans père sans mère et sans terre, ne voulait pas de ces paradis d’au-delà des cieux… Fatima veut un petit bout de terre…
Le jour de départ, je me suis réveillée tôt, et je me suis fait belle. Oui Je suis Fatima la palestinienne, sans père, sans mère et sans terre, mais je suis belle.
Mes mains ont toujours donné la vie, aux arbres et aux fleurs…
Mes mains ont toujours bercé les petits enfants et ont balayé leurs pleurs
Mes mains ont toujours bien rangé cet espace d’amour  que je m’offrais …
Mes mains cherchaient une vie.
Les leurs déchiquettent les vies.
Les vôtres immobiles, se plongeaient dans une paresse infernale que je maudis.
Mes mains caressaient ma ceinture d’explosifs…
Les mains de Fatima, pour la première fois, vont voler une vie, pour un petit bout de terre… 
Je venais de nulle part, me donner la mort ici…
Je ne rêvais pas des paradis… Je voulais une terre…

Je passais inaperçue sous leurs yeux…
Vous me suivez, vous suivez mes lèvres tremblantes. Vous croyez que je répétais l’unicité d’Allah… vous vous trompez ! Je fermais les yeux et je me penchais sur mon passé… Non ! Je rêvais de mon passé ; ce que j’aurais pu être, et ce que j’ai toujours voulu être, si j’avais un petit bout de terre…
je sentis mes pieds dans la tombe ! je tombe ! je ne suis plus…
Pour eux, je suis sous terre, et bientôt à l’enfer…
Pour vous, je suis aux cieux, toujours vivante à coté de votre Dieu…
Moi, Fatima, je suis ici… j’enlace à jamais cette terre…  



 


Elle n'est ni juive ni musulmane ni chrétienne... C'est une terre cananéenne.   



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